« Nous avons là une censure, la censure d’un travail législatif bâclé », juge Me Marc Absire, le bâtonnier de l’ordre des 430 avocats inscrits au barreau de Rouen. « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement », disait simplement l’article 222-33 du code. Trop flou, ont considéré les Sages, donc non conforme : le texte a été abrogé, avec effet immédiat. « Les dispositions pénales qui créent un délit ou un crime sont tenues d’être claires et précises. Il y a dix ans, le Parlement, souhaitant j’imagine tirer avantage d’une loi sur le harcèlement sexuel au niveau médiatique, a modifié un texte qui n’avait pas besoin de l’être », assure encore le bâtonnier, satisfait que le Conseil des Sages ait pu jouer pleinement son rôle à travers la pratique (toute récente) des questions prioritaires de constitutionnalité. « J’ai eu ce genre de dossiers à plaider mais ils se sont raréfiés justement à cause de l’imprécision de la loi de 2002 », admet Me Dominique Vallès, avocate spécialisée dans le droit des personnes, notamment.
La peur du vide
La Chancellerie « nous a adressé des circulaires : il faut essayer de voir si ces affaires peuvent recevoir une autre qualification juridique », explique le procureur général. Harcèlement moral, téléphonique, menaces, violences volontaires, agression sexuelle… « Pour les dossiers déjà instruits, aucune juridiction ne pourra prononcer de décision autre que la relaxe si une nouvelle qualification n’a pas été trouvée. Soit la personne mise en cause obtiendra un non-lieu, soit le parquet classera l’affaire sans suite », prévient le bâtonnier de Rouen, qui estime également : « Toutes les condamnations déjà prononcées en la matière devront être retirées du casier judiciaire ».
« Il faut une loi nouvelle », réclame Me Dominique Vallès, qui continue d’œuvrer aux côtés de l’association contre les violences faites aux femmes. L’avocate n’imagine pas que les parlementaires ne planchent pas rapidement sur la question, extrêmement importante. « Il s’agit d’un élément d’évolution sociale, sinon pourquoi aurait-il existé en 1992 et plus en 2012 ? Cette agression porte atteinte à deux libertés fondamentales- : la liberté sexuelle et la liberté du travail. C’est une infraction d’emprise sur la personne dans le cadre d’un abus d’autorité, comme le harcèlement moral. Le mot « emprise » est essentiel », poursuit le conseil. Le procureur général n’envisage pas non plus de vide juridique dans ce domaine- : « Nous ne pouvons nous passer de texte en la matière ». En attendant les élections législatives du mois prochain… « Il ne faut pas que les victimes pensent que nous nions les faits dont ils se plaignent. Nous essaierons de trouver d’autres qualifications permettant d’autres poursuites », promet le magistrat.