Vous vous rappelez sans doute de l’agression sexuelle subie le mois dernier par la grand reporter de France 3 Caroline Sinz, place Tahrir, en Egypte. D’autres journalistes comme l’Américaine Lara Logan ou encore l’Américano-égyptienne Mona Eltahawy ont subi le même sort et témoigné avec le même courage. Leurs récits ont permis de faire connaître la situation dramatique que vivent des centaines de femmes égyptiennes depuis des années.
Au Caire, certaines d’entre elles victimes de harcèlement, ont pris les choses en main et créé une carte interactive et participative de la ville où les femmes peuvent témoigner en temps réel de l’agression qu’elles ont subie Le site s’appelle harassmap.org.
Ce site a été lancé seulement deux mois avant la révolution de février 2011. L’initiative fait partie d’une étude accablante : il y a trois ans, le Centre égyptien de défense des Droits de la Femme constatait, après avoir réalisé une enquête sur près de 2.000 personnes, que 83% des femmes égyptiennes avaient subi une situation de harcèlement.
Ce que propose harrassmap est très simple : vous venez de subir une tentative de harcèlement à caractère sexuel, vous pouvez alors prendre votre téléphone et envoyer par SMS, par les réseaux sociaux ou par mail, le récit de cette agression et l’endroit où elle s’est passé. Une fois votre message envoyé, le site vous donne les bons conseils pour porter plainte et, éventuellement, commencer un suivi psychologique.
Quatre femmes sont à l’origine de l’idée. Parmi elles, Rebecca Shaw. Cette Américaine mariée à un Egyptien vit au Caire depuis huit ans et a elle-même été victime de harcèlement.
Rebecca Shaw : « J’étais en train de me faire couper les cheveux dans un salon et l’homme qui était derrière moi a soulevé mon t-shirt et m’a touché la poitrine. Une de mes collègues était enceinte de neuf mois et elle était en train de marcher dans la rue parce que son médecin lui a dit que c’était mieux de marcher pendant la grossesse. Elle a été suivie par des gens dans une voiture qui l’ont harcelée tout au long de son chemin. Il y a différents cas. Si vous allez sur le site, vous pouvez voir directement, les histoires des victimes »
Et sur le site, justement, il y a aujourd’hui plus de 700 récits de femmes harcelées, classés en 10 catégories : des mains baladeuses (il y en a à peu près 300), de la provocation verbale au viol (une vingtaine répertoriées actuellement).
Là où l’initiative prend tout son sens, c’est qu’à partir de la carte, l’équipe d’Harassmap établit une typographie des quartiers plus ou moins touchés et envoie des bénévoles sensibiliser les habitants aux dangers du laisser-faire. On passe, en quelque sorte, du virtuel au réel.
Un bénévole d’Harassmap : « Nous avons 500 volontaires un peu partout en Egypte. Et nous essayons de parler aux gens dans leurs propres rues. On demande par exemple aux voisins de faire attention aux tentatives de harcèlement sexuel, de ne pas ignorer, d’être en quelque sorte des gardiens contre cela, de protéger les victimes et de dénigrer les harcèlements quand de telles situations de produisent »
Harassmap n’est pas la seule initiative du genre. Elle utilise une technologie opensource, autrement dit « ouverte à tous et gratuite ». Cela signifie que n’importe qui peut aujourd’hui proposer à un public de témoigner sur une carte interactive sans dépenser un euro. La dernière utilisation qui a fait du bruit sur Internet, c’est une carte qui propose aux Russes de cartographier les témoignages de fraudes électorales présumées survenues lors du scrutin législatif du 4 décembre. Elle a aujourd’hui recueilli près de 5.000 récits et documents.